Il est devenu courant de se défendre de la morale, sinon de s’en moquer. Réduite à un fatras d’injonctions, de conventions, d’obligations plus ou moins consenties, de règles arbitraires, elle paraît au fond ne servir que la conformité sociale, elle-même guidée par le souci du confort et de l’intérêt bien compris. L’idéal moderne d’autonomie récuse qu’une action puisse être jugée bonne si au fond elle n’est qu’un aveu d’impuissance à se déterminer par soi-même. Nietzsche en faisait le royaume des faibles. Pourtant, comme le souligne Éric Blondel1, il n’existe aucune société humaine où l’on s’interdise de juger moralement, « c’est-à-dire à juger en bien ou en mal ». Chassée par la porte, la pensée morale rentre toujours par la fenêtre : actes, paroles, sentiments, idées, aucune de ces productions humaines n’échappe au regard scrutateur que chacun porte sur lui-même et sur les autres. La raison de cette omniprésence est que l’évaluation, répandue dans toute l’espèce humaine quel que soit le lieu où le siècle, n’a été inventée par personne, ni par les religions ni par les philosophes, et ne se laisse emprisonner dans aucune doctrine qui en maîtrise entièrement la cause, la nature, la fonction et le sens.
La morale
- Auteur: Nicolas Journet
- ISBN: 9782361060916
- Categorie: Livre
- Maison Edition: Sciences Humaines
- Ville Edition: Paris
- Année Edition: 2012
- Domaine: Sciences humaines (Philosophie)